Ami, allume le feu
je vais te montrer quelque chose —
une boule de neige !
Basho Matsuo
(1644-1694)
La médecine traditionnelle chinoise et le Shiatsu ne dissocient pas le corps des émotions, or l’on sait aujourd’hui que notre esprit est en permanence influencé par notre chimie interne. Le cerveau est en interaction permanente avec le reste de notre organisme grâce à de puissants signaux électrochimiques. Un grand courant de recherche aux Etats-Unis se penche sur ce que l’on appelle le « Mind Body Medicine » ou « la médecine de l’esprit et du corps ».
Voilà ce qu’en dit, par exemple, la pharmacologue et chercheuse en neurosciences Candace Pert :
« Nous savons que le système immunitaire, comme le système nerveux central a une mémoire et la capacité d’apprendre. Par conséquent, on pourrait dire que l’intelligence se trouve non pas seulement dans le cerveau, mais dans les cellules qui sont distribuées à travers tout le corps, et que la traditionnelle séparation du corps et des processus mentaux, y compris des émotions, n’est plus valable [traduit de l’américain]. »¹
Le Shiatsu est une discipline énergétique qui a pour but de rétablir la circulation harmonieuse du Ki*. Il agit directement ou de manière distale sur les organes en passant par le système structuré des méridiens qui se ramifient dans les profondeurs du corps. Il stimule les points d’acupuncture par une pression progressive qui va chercher le Ki dans la profondeur. La colonne vertébrale puissamment innervée est un haut lieu de passage de l’information nerveuse.
Les points Shu*, qui se trouvent le long de la colonne vertébrale, entre les espaces intercostaux, correspondent aux ganglions sympathiques reliés aux organes internes. Les pressions exercées sur ces points vont donc avoir une action sur les organes respectifs. La complexité de notre système nerveux fait qu’une interaction se produit entre le praticien et le receveur. En effet, la main, en particulier les pouces, vont recueillir des informations. Les tsubos* d’un organe affaibli énergétiquement sembleront soit « vides » (kyo) soit « tendus » (jitsu) ce qui représente une information précieuse pour le praticien.
Les pressions sur les points Shu lors d’une séance de Shiatsu sont une étape importante. Ces pressions agissent sur les organes par l’intermédiaire des ganglions sympathiques et donc sur les émotions, car le Shiatsu ne dissocie pas le corps des émotions. En effet, la médecine traditionnelle chinoise fait correspondre à chaque organe une émotion. Par exemple et schématiquement, la colère perturbe le foie alors que la tristesse affecte nos poumons. Avec ce référentiel, le lien corps-esprit s’établit tout naturellement et agir sur le corps revient non seulement à réguler notre santé physiologique mais également psychologique.
* Points Shu – Les points Shu sont situés le long de la colonne vertébrale, entre les espaces intercostaux. En médecine traditionnelle chinoise chaque point Shu correspond à un organe et donc renseigne le shiatsu-ki sur l’état énergétique de cet organe. Stimuler ces points revient à agir sur l’organe auquel il est relié. Cela permet, selon l’état du point Shu, de lever des blocages énergétiques ou de nourrir des vides énergétiques.
*Ki – En médecine traditionnelle chinoise, on reconnaît le Ki comme étant la substance vitale de l’homme, il imprègne la nature, l’univers. Sa fonction est de permettre la vie et de l’entretenir.
*Tsubos – les tsubos en Shiatsu correspondent aux points d’acupuncture, ils permettent de réguler l’activité de l’énergie qui circule et se concentre en ces points.
¹ Pert, Candice (1997). Molecules of Emotion : Why You Feel the Way You Feel. London: Simon & Schuster. (Pocket Books), p. 187.
Le Shiatsu du ventre illustre parfaitement le lien corps-esprit, car tout en agissant sur notre système digestif, il procure bien-être et détente en régulant nos émotions. Les bienfaits que l’on peut retirer des arts traditionnels sont abordés lors d’un documentaire de 2014 réalisé par Cécile Denjean, « Le ventre, notre deuxième cerveau »².
En médecine traditionnelle chinoise, le ventre est considéré comme notre « deuxième cerveau », or l’on sait aujourd’hui que notre système digestif contient 200 millions de neurones. De plus, notre cerveau et notre ventre utilisent les mêmes neuro-transmetteurs. La sérotonine, hormone du bien-être est produite dans notre ventre à 95%… « dans notre ventre, elle rythme notre transit et régule notre système immunitaire » alors que pour notre cerveau elle signifie bien-être !
Cette hormone de bien-être, une fois libérée dans le sang, va, comme le souligne le docteur Michel Neunlist, agir au niveau du cerveau, notamment dans l’hypothalamus qui participe à la gestion de nos émotions.
La clé de notre bien-être pourrait se nicher, entre autres, dans notre ventre comme le souligne le chercheur Michael Gershon. « Notre capacité à penser de manière positive, à résister à la dépression et à l’anxiété peut être influencée par les messages que notre ventre envoie au cerveau. C’est dans ce sens que notre ventre contribue à notre inconscient ». Et ce même chercheur précise, dans un article du magazine Scientific American :
« Le petit cerveau, qui se trouve dans nos entrailles, en lien avec le grand qui se trouve dans notre crâne, détermine en partie notre état mental et joue un rôle clef, d’un bout à l’autre du corps, dans certaines maladies ».³ [traduit de l’américain]
La recherche montre que l’on peut améliorer notre santé en agissant sur les méridiens du ventre. Le professeur Bo Liu a pu démontrer : « avec l’IRM fonctionnelle, on a comparé les images du cerveau d’une personne avant et après une séance d’acupuncture abdominale ». Il constate à la suite de cette expérience que « l’acupuncture abdominale peut améliorer les fonctions cognitives et réguler les émotions ».
Le Shiatsu du ventre, où se trouve le centre hara, s’avère être un outil très précieux dans un monde ou le stress réussit à ronger la vie de tant de personnes ! Il peut, grâce aux pressions exercées sur les méridiens et points d’acupuncture de cette sphère agir sur le système nerveux entérique, et donc sur les émotions…
² Denjean, Cécile (2014). Le ventre, notre deuxième cerveau [dvd]. Paris : Arte Editions.
³ Cité dans « Think Twice: How the Gut’s “Second Brain” Influences Mood and Well-Being » par Adam Hadhazy, Scientific American, 12 février 2010.